LA DÉCOUVERTE
À l’automne 2020, en plein confinement, voir des « humains » me manquait énormément. J’ai donc profité de l’occasion pour faire le tour de mes rendez-vous à cocher sur ma to-do list : optométriste, podiatre, dentiste, bilan de santé annuel avec mon médecin de famille et examen gynécologique.
Début novembre 2020, j’ai rendez-vous avec ma gynécologue, avec qui j’ai une relation amicale. En réponse à sa question « Pis, à part de ça, comment ça va? ». En lui répondant, je me masse les muscles sous la clavicule au-dessus du sein gauche en lui indiquant la douleur musculaire localisée. Elle me dit donc spontanément : « Hey, c’est vrai, je ne t’ai jamais examiné les seins! » et elle m’invite à me recoucher sur la table.
Pendant mon examen, elle constate que j’ai les seins denses (fibrokystiques), comme près de 50 % des femmes et ne détecte rien d’anormal. Elle me suggère d’aller passer une échographie et une mammographie « pour le plaisir », lorsque j’aurai le temps, pour m’assurer que je puisse avoir une référence d’imagerie dans le futur.
Comme mes activités sociales étaient limitées en temps de pandémie, j’ai pris rendez-vous le vendredi 20 novembre. Entre temps, j’ai reçu les résultats de mon bilan de santé annuel : tout était super et mes prises de sang étaient impeccables! Je n’avais aucun stress et j’étais convaincue que quelques clichés plus tard, je ressortirais juste à temps pour mon rendez-vous client au bureau fixé à 9 h 30.
La sympathique technologue débute par une mammographie qui semble normale à première vue et m’avertit avec délicatesse du manque de tact du pourtant très compétent radiologue. Je passe donc par la suite en salle d’échographie où je fais la rencontre de ce radiologue, qui commence à m’examiner.
Il commence par le sein gauche (prétexte pour la consultation inscrit sur ma prescription indiquant une douleur localisée à cet endroit). Détendu et plus sympathique que la technologue pouvait le laisser croire, il scrute ce sein avec minutie. Pour me soulager du stress inévitable que toute femme vit lorsqu’elle est vulnérable pendant un examen, il me dit que tout est tout à fait normal, que mon sein gauche est en pleine santé et qu’il ira s’assurer de la même chose dans le sein droit. Ce qu’il fait.
Soudainement, ces traits se durcissent. Il débute une prise de photos interminable. Je sens que quelque chose ne tourne pas rond. Silence. Il ne me dit plus rien. Il termine son examen et m’invite sans aucune explication à retourner dans la salle de mammographie. Il a besoin d’avoir d’autres images.
Insistante, je le questionne et il finit par me dire qu’il veut voir si j’ai des microcalcifications. J’ai appris grâce à Google dans la salle d’attente que les microcalcifications peuvent être un indice d’activité tumorale. La peur m’accapare, je texte des amies en qui j’ai plus que confiance en quête de réconfort : je me sens bien seule assise sur ma chaise entre deux plexiglass.
Je retourne voir la technologue chaleureuse mais je n’ai plus le cœur à rire avec elle. Je tremble comme une feuille et la machine de mammographie est soudainement plus glaciale que jamais.
On m’indique de retourner m’asseoir et de patienter. Quelques minutes plus tard, le radiologue vient me voir dans la salle d’attente et me tend un CD. Sans aucune explication ou empathie, il m’indique simplement que je dois aller à l’hôpital déposer le tout et qu’ils vont m’appeler pour une biopsie.
J’insiste vraiment et il accepte de prendre deux minutes pour m’indiquer qu’il avait trouvé une masse et qu’il voulait investiguer en ajoutant simplement et en conclusion banale : « Vous êtes jeune, vous allez vous en sortir ».
LA PEUR
Dans le stationnement, j’appelle mon amie Isabelle et mon amie Nancy, toutes deux ayant eu des cancers du sein quelques années plus tôt. Ma voix brisée contrastait avec leur voix douce, empathique mais forte par leurs propos organisés. Elles ont connu la mer en traversant des tempêtes, elles savent naviguer : elles seront mes phares.
Mon premier réflexe a été de contacter le plus rapidement possible bon nombre de femmes de mon entourage touchées par le cancer du sein afin de les sonder. Déjà au premier jour, leurs témoignages étaient au cœur de ma quête d’informations et me permettaient d’avoir des visages différents du cancer. Surtout, elles m’ont permis de recueillir assez d’informations pour poser les premières bonnes questions aux intervenants que j’allais rencontrer. Cette sororité a été le premier cadeau que cette tumeur m’a apporté tout comme les nouvelles amitiés sincères que j’ai développées avec ces sœurs de sein.
J’ai passé la pire fin de semaine de ma vie, ne sachant pas si j’avais un cancer de stade 4, une tumeur maligne ou une masse « bénigne » à surveiller. J’ai connu le sentiment de peur pour la première fois de ma vie, moi qui étais à ce jour invincible à tous les niveaux. J’ai toujours cru que j’étais une « superwoman » bionique me permettant de brûler les chandelles par les deux bouts sans conséquence.
Une amie radiologue a interprété mon rapport le lundi suivant : j’avais statistiquement des fortes chances que ce soit un cancer. Mon grade BI-RADS (Breast Imaging-Reporting And Data System, utilisé par les radiologistes pour définir et rapporter les anomalies) gradé 4B/4C n’était pas des plus optimistes.
LE VERDICT
J’ai tremblé de tout mon corps jusqu’au jeudi suivant, le 26 novembre, où j’ai eu une biopsie à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. J’ai eu l’annonce du premier verdict une semaine plus tard, soit le 4 décembre : un cancer du sein canalaire infiltrant de stade 1 avec une petite masse de 0,8 cm mais agressif (HER2+) et légèrement hormonodépendant (très peu significatif). Les ganglions à l’échographie ne semblaient pas atteints, ce qui était une excellente nouvelle. La masse était vraiment cachée et elle n’était pas du tout palpable. C’est une découverte fortuite, sans symptômes. Normalement, j’aurais « dû » le trouver beaucoup plus tard, lorsque ce serait peut-être « trop tard ».
Optimiste de nature, mais surtout parce que la situation me semblait si irréelle (j’étais seule, COVID oblige), j’ai gardé mon sang-froid sans larmes en m’adressant avec un calme déstabilisant à la médecin qui avait la lourde tâche de m’annoncer la nouvelle. Peut-être par autoprotection, mon cerveau est passé en mode « journaliste ». Dans ma tête, on venait de me confier un nouveau dossier soit celui de démystifier le cancer du sein et le processus hospitalier. Deux mondes que je n’avais jamais eu « la chance » de toucher. Moi qui veux toujours tout savoir et expérimenter, j’avais l’opportunité d’ajouter ce bagage de connaissances à mon cerveau avide de nouvelles informations. Fou peut-être comme perspective… ou un réflexe de survie? Qui sait.
La médecin généraliste de la clinique du sein de l’hôpital m’a fait part du protocole usuel : Herceptin (un traitement ciblé de chimiothérapie qui n’a presque pas d’effets secondaires mais qui doit être combiné à un traitement de chimiothérapie à large spectre (toujours selon le protocole habituel). Le mot avait été prononcé : chimiothérapie.
Le mot chimiothérapie me faisait frissonner du plus profond de mon être. Je ne pouvais accepter le fait de passer en quelques minutes d’un statut de quelqu’un en pleine santé la veille au statut de malade avec l’usage à venir d’une artillerie lourde. C’était impossible, il devait y avoir une solution.
Posant des questions claires sur les prochaines étapes, elle m’a laissé aux bons soins d’un rendez-vous à venir avec la chirurgienne-oncologue pour les réponses. J’ai compris par la suite que les chirurgiens-oncologues (et leur équipe) deviennent nos chefs d’orchestre et prennent en charge nos dossiers et le protocole qui s’en suivra.
Mon premier rendez-vous avec ma chirurgienne-oncologue a eu lieu le 8 décembre, journée où l’annonce de délestage dans les hôpitaux (conséquence de la COVID) était véhiculée dans les médias. On ne pouvait plus m’opérer avant les Fêtes à Maisonneuve-Rosemont et ils ne pouvaient pas me donner de date en janvier. Avoir cette bombe dans mon corps devenait de plus en plus insoutenable de jour en jour. Aussi, plus l’opération tardait, plus le plan de traitement devenait incertain et le cancer pouvait se répandre. Ne pas « contrôler » la suite me sortait de ma zone de confort.
J’ai donc remué ciel et terre (et tous mes contacts!) pour trouver une solution, rapatrié tout mon dossier médical pour l’avoir à la maison, à portée de main. Un ange a pris mon dossier en charge au CHUM et a littéralement bougé des montagnes pour que je puisse me faire opérer rapidement le vendredi 18 décembre en fin d’après-midi quelques heures avant le congé des Fêtes. Mon cancer était agressif et j’étais jeune : on ne pouvait pas vraiment attendre.
J’ai eu une mastectomie partielle avec reconstruction immédiate tout comme un retrait ganglionnaire. Au bloc opératoire au 3e étage du CHUM, avant d’entrer en salle d’opération où jouait la chanson Le départ d’Alexandra Streliski (ma playlist soigneusement diffusée par mon amie anesthésiste), j’ai remercié ma tumeur. Je lui ai dit merci d’être venue et je lui ai surtout dit qu’elle pouvait partir. J’ai senti une vague de chaleur envahir tout mon corps. J’étais prête.
Je me suis remise sur pied à une vitesse incroyable.
Entre temps, j’ai eu le résultat de mon test génétique au CHUM le 31 décembre (pour bien finir l’année!) et heureusement, aucun des gênes testés n’était positif. Cela peut prendre des mois pour avoir une place pour des tests génétiques et mon dossier a été priorisé par hasard pour une raison inexplicable : un autre miracle. En plus de ne pas avoir à subir une double mastectomie, ce résultat était un soulagement pour moi, pour ma fille et pour tous!
MON ÉQUIPE
Dès décembre, mon premier réflexe a été de bâtir une équipe de soutien complémentaire à mes traitements médicaux qui pourrait m’aider dans mon but : guérir et passer à travers les traitements avec le moins de séquelles possibles.
J’ai lu le livre Rémission radicale de Kelly A. Turner qui a été une révélation pour moi. Kelly A. Turner, chercheuse, spécialisée en oncologie et consultante en médecine intégrative, a analysé plus de 1 000 cas de rémission radicale consignés dans des publications médicales. Elle a aussi parcouru le globe pour interviewer une centaine de thérapeutes alternatifs. Au fil de ses recherches, elle a ainsi répertorié 75 facteurs physiques, émotionnels et spirituels ayant joué un rôle dans le processus de guérison. L'auteure est parvenue à définir 9 facteurs clés mis en oeuvre par les survivants. Pour chacun, elle expose les études scientifiques les plus récentes, les traitements complémentaires existants et le témoignage d'authentiques cas de rémission radicale. Elle propose finalement une liste pratique de mesures à adopter pour la personne souffrant d'un cancer et son entourage. Écrit par une scientifique, l'ouvrage présente une approche globale et proactive, en plus des traitements médicaux classiques.
J’ai su en tirer plusieurs informations qui m’ont permises de voir le diagnostic différemment et surtout, de m’outiller pour faire réellement équipe avec le corps médical en posant les bonnes questions.
Je me suis donnée comme défi de trouver les meilleurs spécialistes au Québec pour toutes ces avenues : acupuncteur, ostéopathe, massothérapeute spécialisé en oncologie, endermologue, psychologue, naturopathe spécialisé en oncologie, nutritionniste, thérapeute holistique dont je ne peux décrire avec exactitude la pratique (reiki, médiumnité, signes de la vie, thérapie), thérapeute énergétique en magnétisme, coach, thérapeute en polarité et thérapeute en « body talk ». Sans compter ma tireuse de tarot, la luminothérapie, la thérapie sonore (et l’achat d’un trampoline pour stimuler mon système lymphatique mais ça, c’est une autre histoire!)! Yoga oncologique, méditation, séances d’hypnose en Thaïlande par Zoom, qi gong oncologique (gériatrique!), j’ai tout essayé et je continue toujours de voir régulièrement mon équipe! Tous ces traitements coûtent très très chers et je reconnais la chance que j’ai d’avoir les moyens de me le permettre grâce à mes économies.
Je ne pourrai jamais dire précisément ce qui a contribué au fait que je n’ai pas eu d’effets secondaires de la chimiothérapie ou de la radiothérapie (à ce jour) mais chose certaine, le fait d’avoir été si bien entourée et d’avoir eu accès à tous ces traitements paramédicaux intégrés à la médecine traditionnelle m’a permis de passer à travers ce parcours.
Ailleurs dans le monde, comme en Suisse ou en Allemagne par exemple, la médecine complémentaire est intégrée à la pratique médicale oncologique traditionnelle. En Asie et en France, les acupuncteurs font partie de l’équipe traitante de première ligne dans les hôpitaux. Pourquoi un ou l’autre et pourquoi pas un et l’autre? Pourquoi cette dualité lorsque le patient a tout à gagner à les combiner? La médecine intégrative est une vision d’avenir et favoriser plus d’ouverture et de dialogue au Québec fera partie de mes prochaines missions.
JE SUIS GUÉRIE
Le 15 janvier, j’ai eu le résultat de ma pathologie postopératoire : en un peu plus de 3 semaines, la masse avait doublée et le cancer avait touché un ganglion qui a été retiré également… C’était maintenant officiellement un cancer de stade 2. Je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé si j’avais attendu la date d’une opération en janvier…
Conséquence du nouveau diagnostic révisé : la chimiothérapie devenait maintenant inévitable pour mettre toutes les chances de mon côté.
J’étais pétrifiée à l’idée de faire de la chimiothérapie. J’étais terrorisée à l’idée de perdre mes cheveux. J’étais apeurée à l’idée de recevoir une substance toxique dans mon corps en « prévention », car ma tumeur et le ganglion affecté étaient partis (retirés lors de l’opération) et que j’étais par conséquent « guérie » bien que personne ne peut employer ce mot avec certitude. Je suis guérie.
J’ai rapidement compris que le cancer est une maladie où les statistiques servent de repères, qu’elles peuvent être interprétées de toutes sortes de façons et que personne ne détient la vérité. On parlera plutôt de rémission du bout des lèvres, en se croisant fort les doigts et les orteils sans avoir aucune assurance.
LES QUESTIONNEMENTS
La notion de chimiothérapie adjuvante (« en prévention ») était vraiment inconcevable à mon sens. Comment comprendre et accepter que le médicament me rendrait plus malade que la maladie en soit? Comment accepter que la chimiothérapie augmenterait mes chances de non-récidive de quelques % marginaux (de 4 à 7 % peut-être) mais sans livrer aucune garantie malgré tous les effets secondaires possibles? Ces derniers viennent aussi avec un % de chances de développer des conditions de santé relativement graves dans certains cas.
Comment justifier que la chimiothérapie servirait à éliminer potentiellement une cellule cancéreuse baladeuse qui serait passé à côté du bistouri ou qui serait partie en excursion ailleurs dans mon corps pour faire des bébés plus tard? Pour moi, c’était comme tuer une mouche avec un bazooka (sans savoir si mouche il y a).
L’ENQUÊTE
Du 15 janvier au 5 février 2021, j’ai fait énormément de recherches pour comprendre et maîtriser le sujet. J’ai lu des dizaines d’études médicales sur divers protocoles de chimiotérapie et j’ai parlé avec des dizaines de femmes ayant passé par différents parcours en matière de cancer du sein. J’ai demandé à voir 2 chirurgiens-oncologues et j’ai consulté 4 oncologues de 3 hôpitaux différents au Québec et une en France. J’ai aussi consulté un radio-oncologue extraordinaire, bienveillant et extrêmement compétent qui a su me donner lui aussi son opinion et me partager sa vision avec ouverture et respect de mes questionnements. J’avais besoin de savoir s’il y avait des solutions alternatives au protocole conventionnel, d’autres sortes de chimiothérapies mais avant tout, je voulais avoir les chiffres exacts (enfin, les plus exacts possibles) des pronostics liés à chaque traitement proposé afin de prendre une décision éclairée. Tous tentaient de me convaincre d’accepter le protocole standard avec plus ou moins de tact.
« Vous posez beaucoup de questions madame! » m’a dit un jour l’infirmière clinicienne responsable de mon dossier au CHUM (avec un ton admiratif et non critique). Et moi de répondre avec étonnement « Les gens ne posent pas de questions? ». « Bien quand on a un problème avec notre voiture, on va au garage, le garagiste nous dit quoi faire et on l’accepte. Les gens ici sont comme ça, lorsqu’un médecin leur dit quoi faire, ils acceptent et ne posent pas de question. » me répond-t-elle.
Pour moi, c’est un non-sens! Les patients ont le droit de poser des questions. Notre corps est notre bien le plus précieux : c’est notre devoir de le faire. Il faut que les femmes puissent avoir conscience de ce droit de questionner, de savoir et avant tout de comprendre. Sans cette étape préalable, elles ne peuvent pas prendre de décision éclairée et le patient a un droit de regard sur son protocole de traitement, ce qui est souvent inconnu.
Déjà à ce moment, j’avais la profonde conviction que j’étais face à une grande épreuve mais que ce chemin, et le fruit de mes recherches, me mènerait à quelque chose de grand qui me permettrait à mon tour d’en aider beaucoup d’autres.
L’ESPOIR
Entre temps, Isabelle, une amie précieuse, m’a relayé une entrevue me faisant connaître la fondation Garde tes cheveux et la technique des casques réfrigérants avec l’entreprise Penguin Cold Caps. Concours de circonstances, une amie commune m’a mise en relation avec Sophie Truesdell-Ménard, la fondatrice de cet organisme qui elle-même a eu recours à ce système de casque réfrigérant au CHUM à Montréal en 2017.
Avec une générosité sans borne, elle m’a prise sous son aile et m’a expliqué chaque étape. Ce qui semblait à première vue être une technique toute droit sortie de la NASA semblait tout à coup accessible et plus simple que jamais. Je n''aurai jamais assez de mots pour exprimer toute ma gratitude envers Sophie.
Je savais que maintenant, il existait une solution pour garder ses cheveux malgré la chimiothérapie et s’il y avait une chance que je puisse les garder, j’allais la saisir! Comment peut-on en 2020 greffer des visages et envoyer des gens sur la Lune mais ne pas pouvoir conserver les cheveux des femmes en chimiothérapie?
J’ai fait énormément de recherches sur le casque réfrigérant, ici au Québec et ailleurs dans le monde. Nous ne sommes que quelques-unes à avoir fait l’usage du casque réfrigérant au Québec, bien que le casque soit utilisé depuis plus de 20 ans en Europe, ce n'est qu'en 2015 que le casque a fait son entrée aux États-Unis (suite à une approbation par la U.S. Food and Drugs Administration). L'Université de Sherbrooke a même émis une recommandation favorable sur l'usage de la technique au Québec et ce, en mai 2020! Le casque agit sur un principe bien simple de vasoconstriction (le froid empêche la chimio d'atteindre les follicules). Pourquoi personne n'en parle? Pourquoi même les oncologues ne sont pas au courant? C'est un droit fondamental de pourvoir faire un choix éclairé qui n'est pas respecté présentement au Québec. 8 % des femmes refusent la chimiothérapie ou décident de choisir un traitement avéré moins efficace pour ne pas perdre leurs cheveux. Ce n'est pas juste une coquetterie. L'impact psychologique est un facteur clé et est à considérer dans notre santé globale.
Vous trouverez plus d’informations sur le casque réfrigérant ici.
LE PLAN DE MATCH
Le 5 février, j’ai pris la décision que j’allais aller de l’avant avec la chimiothérapie, mais j’ai décidé de ne pas prendre les 4 traitements de chimiothérapie agressive qui, selon les statistiques, ne changeait potentiellement mon pronostic que de 0,8 %. C’était le même protocole que pour un cancer de stade 4 qui m’était suggéré alors que j’étais un stade 2, ce qui pesait lourd dans la balance (tout comme les effets secondaires associés).
Grâce à des amis photographes, j’ai pu immortaliser une dernière fois mon image que je croyais à l’époque voir pour la dernière fois dans son intégralité. Je voulais que mes enfants puissent avoir une image intacte de leur mère et des photos souvenir à mes côtés. Devant toute l’incertitude à laquelle je faisais face, figer mon identité sur pellicule était source de réconfort thérapeutique en quelque sorte.
J’ai reçu 12 traitements de chimiothérapie (Taxol et Herceptin) du 17 février au 5 mai, chaque semaine, le mercredi. Je savais que pour passer à travers, je devais avoir un alignement et une vision très claire. Je devais aussi continuer à m’entourer de mon équipe paramédicale que je voyais sur une base régulière (dont mon acupuncteur que je voyais systématiquement l’avant-veille de chaque traitement). Mon cerveau a basculé en mode olympien.
J’ai beaucoup lu sur le jeûne chimio (et le jeûne intermittent) et sur ses impacts pour aider à réduire les effets secondaires de la chimiothérapie. Conséquemment, en plus de plusieurs suppléments, j’ai pris la décision de faire une restriction calorique du lundi 19 h au vendredi 11 h, en ne mangeant que du bouillon d’os bio et de légumes fait maison, du jus vert et parfois quelques noix, légumineuses et légumes très légers. J’ai répété ce protocole pendant 12 semaines, ce qui a été une des parties les plus exigeantes du traitement. Je n’ai jamais ressenti la faim car l’apport en nutriments du bouillon d’os entre autres me rassasiait (mais l’envie de manger un bon repas normal s’emparait souvent de moi)!
Mon poids et mes prises de sang sont restés normaux durant les 12 semaines du traitement de chimiothérapie. En fait, les résultats de mes prises de sang sont toujours restés au même niveau qu’avant le début de ma chimiothérapie! Je n’ai jamais été malade, senti de fatigue, de nausées ou subi tout autre effet secondaire pouvant être associé à la chimiothérapie. Je me sentais plus en forme qu’avant même d’avoir mon diagnostic et ce, même le lendemain du traitement! Je bougeais même plus! J’avais simplement un peu plus soif qu’à l’habitude. Je prenais définitivement plus soin de moi et je mettais mes limites. J'ai appris à (tenter de) ne plus brûler les chandelles par les deux bouts. Je me suis priorisée.
J’ai fait l’usage du casque réfrigérant que je mettais sur ma tête à une température oscillant entre -30 à – 35 degrés celcius constamment, pour une durée de 8 à 10 heures (un minimum de 1 heure avant la perfusion, 1 heure pendant la perfusion et 6 à 7 heures postperfusion). Pour éviter la neuropathie et la perte de mes ongles, je mettais aussi mes orteils et mes doigts dans la glace durant le moment de la perfusion de Taxol (1 heure). Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. J’ai gardé mes cheveux (et mes ongles) même si de "devais" les perdre.
J’ai pu préserver mes enfants du choc car ils n’ont jamais perçu leur maman « malade ». J'ai pu aussi poursuivre mes activités sans être stigmatisée ou devoir dévoiler mon intimité à la caissière de l'épicerie, ce qui est un privilège. Cela dit, je connais aussi beaucoup de « sœurs de sein » qui ont perdu leurs cheveux et qui sont passé au travers leurs traitements en douceur et avec vitalité. Ensemble, changeons le visage du cancer un cheveu à la fois.
Le 12 mai, j’ai entamé un nouveau protocole de traitements ciblés cette fois-ci en salle de chimiothérapie aux 3 semaines, le Herceptin et le Perjeta, que je poursuivrai jusqu’en janvier 2022 pendant 13 cycles.
Je me sentais tellement en forme que nous avons pris la décision de devancer exceptionnellement la radiothérapie à 9 jours après la fin de la chimiothérapie.
Après une IRM de routine, j’ai eu la mauvaise nouvelle d’apprendre qu’une chaîne ganglionnaire mammaire interne avait été touchée et que, bien que la chimiothérapie ait réduit le tout afin de ne laisser que des traces microscopiques, il y avait toujours des traces de cancer. La décision a donc été prise de revoir le traitement de radiothérapie et de le prolonger de 19 à 33 jours. J’ai eu la « chance » de me faire irradier une large zone soit le cou, l’aisselle et la poitrine côté droit : 25 traitements à large spectre au menu et 8 traitements ciblés sur les zones touchées, soit la cavité opérée et ma chaîne ganglionnaire mammaire interne.
Tous les jours ouvrables du 17 mai au 1er juillet à 16 h 40, je suis allée à l’hôpital afin d’avoir ma séance de bronzage quotidienne! Lors du 12e jour de traitement, ma peau était brûlée, douloureuse et des cloches d’eau se formaient. Comme on continuait d’irradier la zone quotidiennement, les chances que ça s’améliore d’ici la fin des traitements étaient quasi inexistantes et il me fallait prendre mon mal en patience.
J’ai appelé en renfort mon équipe paramédicale et par miracle 48 heures plus tard, il n’y avait plus aucune trace de brûlures sur ma peau! À la fin de la radiothérapie, ma peau était très belle et bien que j’aie eu quelques raideurs physiques, je n’ai plus aucune trace visible de la radiothérapie sur ma peau!
J’ai perdu mes cils et mes sourcils en juin, à retardement (qui ont repoussé à la vitesse de l’éclair!). Comme un signal que le parcours n’est pas terminé et qu’il ne faut pas se réjouir trop rapidement. Je continue de considérer le brossage et le lavage de mes cheveux comme un privilège tous les jours.
LA SUITE
J’ai la conviction profonde que mes recherches et mes ressources pourront aider d’autres humains à changer leur perception sur le cancer et à prendre conscience du « pouvoir » qu’elles ont de changer leur parcours même si nous n’avons pas toujours le contrôle sur les résultats.
Le courage est un cadeau de la peur mais en même temps, je ne considère pas vivre cette épreuve en étant courageuse (je déteste encore plus l’usage du mot « combat » ou de ses synonymes, j'adore d'ailleurs le texte de Stéphane Laporte Personne ne perd contre le cancer publié à La Presse le 24 août 2019). Être courageux, c’est faire un choix et lorsque le cancer nous touche, on n’a pas le choix que de faire ce qu’il faut pour s’en sortir.
On a le choix de notre attitude. Je vis cette situation avec beaucoup de positivisme, de résilience, de focus, de volonté et de persévérance. J’ai une envie profonde de transmettre mon parcours en espérant que mes acquis puissent aider à informer et outiller d’autres femmes. J’espère de tout cœur que mon histoire vous proposera un nouveau visage d’espoir.
Je continue mes traitements aux trois semaines, avec l’usage du casque réfrigérant pendant 6 heures jusqu’au 19 janvier 2022, j'ajouterai aussi le Neratinib pour diminuer mes chances de récidives jusqu'au 9 février 2023. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. J'ai appris le vendredi 15 octobre à 18 h 15 précisément que mon dernier IRM est beau! Je suis donc officiellement en rémission et les traitements ont donc fait effet! La récidive me fait peur mais je sais que je suis bien entourée : ma famille, mes amis, mes sœurs de sein, mes collègues, mon équipe médicale et paramédicale sont et seront là.
Maintenant, moi aussi je connais la mer.
À suivre... et surtout en détail dans mon livre!
Sophie
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